Damiani & Faf Larage – Within Our Gates

Sébastien Damiani a composé une BO originale dont les mélodies aux couleurs soul music, hip-hop et jazz ont été samplées par le célèbre rappeur et beatmaker Faf Larage, MC de la projection. Les 2 artistes et leurs musiciens ont répété sans relâche au Recording Studio Marseille les 46 morceaux composés, avec un soin particulier apporté aux enchaînements entre les scènes : une prouesse !

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Ciné-concert Événement
Hommage à Oscar Micheaux
Rencontre
sebastien damiani 1 (crédit samuel bastien)
dj djel 2 (crédit photo p h felmy)

L’intrigue du film tourne autour de Sylvia Landry (jouée par Evelyn Preer), une institutrice dont les fiançailles avec l’arpenteur Conrad Drebert (James D. Ruffin) sont ruinées par une divorcée jalouse et son frère criminel. Sylvia voyage vers le sud pour travailler dans une école pour Afro-Américains, mais retourne à Boston par sens du devoir envers sa race. Elle rencontre le Dr Vivian, qui est « passionnément engagé dans les questions sociales », et tente de persuader un philanthrope blanc de financer l’éducation des Noirs. Puis, près d’une heure après le début du film, Micheaux déclenche un long flashback sur la jeunesse de Sylvia. La séquence met en scène un riche propriétaire terrien blanc violant l’un de ses ouvriers Afro-Américain dans une scène-miroir de l’agression d’un homme noir contre Lillian Gish dans La naissance d’une nation. Le film met également en scène un double lynchage, vu pour la première fois au cinéma du point de vue d’une personne de couleur. Le lynchage a été montré sur film dès 1904, dans Avenging a Crime, mais la version de Micheaux fait froid dans le dos par son réalisme factuel.

Selon de nombreuses critiques, Within Our Gates a été créé en réponse au film The Birth of a Nation de 1915 qui montrait les blancs du Sud ayant besoin du Ku Klux Klan pour les protéger des Afro-Américains assoiffés de sang. 

En réalisant le film, Micheaux savait qu’il n’allait pas vendre des livres, des actions ou des billets de cinéma en disant à son auditoire que tout allait bien se passer. Même le titre est incendiaire : Les « Gates » du titre désignent les grilles infinies de l’oppression raciale illustrée par la briéveté brutale du carton d’ouverture : « Au début du récit, nos personnages sont dans le Nord, où les préjugés et les haines du Sud n’existent pas – même si cela n’empêche pas, de temps à autre, le lynchage d’un homme noir. »

Le réalisateur savait qu’il devait protéger les spectateurs et, peut-être plus important, les censeurs de l’impact de ses images. Il devait entourer des scènes de lynchage et de viol interracial d’un scénario aussi inoffensif que possible, impliquant presque autant son public cible que la société ensemble. C’était un difficile exercice d’équilibre, qui est presque impossible à juger équitablement aujourd’hui. 

Lorsque Micheaux projette le film à Chicago et à Détroit en janvier 1920, il doit faire face immédiatement aux critiques de la presse, blanche et noire. Comme pour la sortie de La naissance d’une nation, les autorités ont utilisé la menace d’émeutes raciales pour imposer des restrictions de projection. Micheaux, qui ne pouvait se permettre d’imprimer que quatre copies du film, a également eu des problèmes à Shreveport, en Louisiane et à Omaha, dans le Nebraska. Il n’a même pas essayé de projeter Within Our Gates à New York.

 

La notoriété a aidé Within Our Gates à avoir une longue carrière sur les marchés secondaires – dans les églises et les écoles, par exemple. Micheaux, quant à lui, a continué à faire des films, avec plus de quarante longs métrages en trente ans. Parmi ceux-ci figurent Corps et âme en 1925 et The Exile, son premier film sonore en 1931.

Sur le plan esthétique, Within Our Gates peut sembler maladroit. Le cinéaste manie les structures temporelles et les va-et-vient géographiques : montages alternés, brusques flashbacks pour mettre en scène les impasses dans lesquels blancs et noirs sont acculés par le ségrégationnisme. Le jeu semble souvent non raffiné, ou peut-être sous-répété, le casting peu homogène. Ce n’était pourtant pas la faute du talent du cinéaste. Mais le budget (entre 5 000 et 15 000 $) excluait la bonne préparation du film et la production de scènes coûteuses. 

De plus, le Within Our Gate que nous voyons aujourd’hui n’est pas la version que Micheaux a montrée en 1920. En fait, le film fut considéré perdu pendant des années. La seule copie survivante, datant probablement des années 20 et rebaptisée La Negra, a été retrouvée en Espagne. Seuls quatre des intertitres originaux survécurent. Une partie de l’incohérence du film existant est due aux intertitres manquants ainsi qu’au mauvais état de la copie. Les critiques récentes ont néanmoins proposé diverses rationalisations du cinéma « imparfait » de Micheaux pour expliquer  les plans qui ne correspondent pas, les lacunes dans la logique temporelle, spatiale ou encore le scénario qui emprunte des  tangentes narratives inattendues. Certains autres ont vu une forme d’improvisation jazzy dans le montage de Micheaux, comme une façon pour le réalisateur d’interpréter et d’améliorer la logique hollywoodienne et d’en faire une puissante métaphore de la manière dont les Afro-Américains ont survécu au sein d’un système raciste. Mais cela reste des hypothèses purement théoriques au regard du parcours de la copie survivante… impossible en effet d’estimer le nombre de personnes qui ont coupé ou réarrangé les images qui nous sont parvenues. Body and Soul est le seul long métrage de Micheaux avec des intertitres intacts. C’est à partir d’une traduction de Kathleen Newman que Scott Simmons (assisté d’Alex Vargas) a reconstruit de nouveaux titres pour la version restaurée de Within Our Gates.

Compte tenu de ces facteurs, la réussite de Micheaux est d’autant plus remarquable. Ses personnages ont une conscience très inhabituelle pour l’époque, comme ce prédicateur corrompu qui se rend compte que « l’enfer est [son] destin ». L’idée  même de suggérer que les noirs étaient confrontés à des problèmes non directement liés au racisme ou à l’oppression des blancs était en soi audacieuse. La plus grande contribution de Micheaux a peut-être été de prouver aux autres qu’il était possible de faire et d’exposer des films indépendamment de l’industrie cinématographique hollywoodienne.

Dans le documentaire Oscar Micheaux – The Superhero of Black Filmmaking de Francesco Zippel (également diffusé durant le festival) le rappeur Chuck D, militant de la cause afro-américaine au sein du Public Enemy (qui enregistra l’hymne incendiaire du Do the Right Thing de Spike Lee (Fight the Power), Oscar Micheaux est le parangon de l’indépendance, « le précurseur du do it yourself ». Ou celui qui montre la voie : « Quels que soient votre milieu, votre nature, votre condition, vous pouvez réussir. »

Farid Lozès, d’après une traduction libre de de l’essai Within Our Gates (1920) de Daniel Eagan édité avec la permission de l’auteur de l’America’s Film Legacy: The Authoritative Guide to the Films phares dans le National Film Registry, Bloomsbury Academic, 2009.

faf larage 1 (crédit photo p h felmy)
pascal blanc (basse)
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