Au commencement du siècle dernier, alors que le cinéma n’en était qu’à ses balbutiements, bien avant l’âge d’or des comédies musicales, la danse est un sujet de prédilection : dès la fin du XXe siècle, Edison et les opérateurs des Frères Lumière se passionnent pour les danses tyroliennes, javanaises, égyptiennes, et… alors que la Gaumont réalise une grande majorité de ses films sur la danse entre 1900 et 1902. D’après l’historien Richard Abel, la moitié des films réalisés par la Gaumont entre 1900 et 1902 sont des films de danse. Ces images font désormais partie du patrimoine cinématographique et montrent que la danse fut au cœur des expérimentations des pionniers du cinéma, Georges Meliès et Alice Guy en tête. La caméra reste fixe, le mouvement émane de l’artiste qui danse, et c’est déjà un miracle. Une relation est née, et elle va perdurer pendant encore plus d’un siècle. Il faut capter les gestes, le mouvement depuis Muybridge. Selon le philosophe italien Giorgio Agamben, danse et cinéma prennent acte de la désorientation d’une époque et proposent de retrouver les gestes perdus ou d’en inventer de nouveaux.
Danse et cinéma ont encore un autre point commun : ce sont des arts du corps, des arts qui utilisent le corps pour dire quelque chose de la condition du monde, et de l’état des gens, porteurs d’une psychologie des corps pris dans un certain état.
Karine Bey