Le Cabinet du docteur Caligari de Robert Wiene (Das Cabinet des Dr. Caligari / 1920 / 1h11)

C’est dans la petite ville d’Holstenwall qu’une fête foraine plante ses attractions, alors qu’un vieillard, pour le moins étrange, du nom de Caligari, souhaite y exhiber les dons de voyance du jeune Cesare, somnambule. Mais le docteur Caligari n’obtient pas l’autorisation requise, et le fonctionnaire à l’initiative de ce refus est retrouvé mort le lendemain. Ce même jour, Cesare prédit à un jeune homme qu’il ne vivra guère plus que la journée en cours, et voit sa prédiction réalisée. Bouleversé, Francis, l’ami du défunt suspectant Caligari de meurtre, s’affaire à surveiller…

Pour Jacques Lourcelles : « Récit de la divagation d’un fou située dans un espace intérieur, intime, obsessionnel impliquant la disparition de toute distance réaliste entre les objets ainsi que la disparition de toute image réaliste de la nature dont les éléments (arbres, routes, etc…) sont représentés par des décors fabriqués de toutes pièces comme sur une scène de théâtre. L’espace du film devient alors cauchemardesque et morbide, non seulement parce que nous sommes à l’intérieur du cerveau d’un fou, mais aussi parce qu’il a été entièrement façonné par l’esprit et la main de l’homme. Le scénario recèle deux surprises de taille : la découverte, à l’intérieur du récit du fou que Caligari est non seulement bateleur, assassin mais aussi psychiatre et son pendant, la découverte, après la fin du récit du fou, que Caligari est le psychiatre personnellement attaché à soigner le narrateur.

La totale cohérence de ce cauchemar ouvre aussi d’étonnants horizons sur la folie du narrateur et sur la folie en général. Elle est pour une part – la part qui s’exprime sur le plan plastique dans le film- déformatrice, délirante, hallucinée. Elle est pour une autre part – celle qui s’exprime sur le plan dramatique – hyper-logique, convaincante et fascinante.

C’est la collusion à l’intérieur du film entre une vision plastique cauchemardesque et fantasmatique de la folie et une appréhension dramatique parfaitement et implacablement architecturée de cette folie qui fait le mérite de Caligari.

L’interprétation n’est pas le point fort du film. Elle préserve cependant la subtilité de chaque rôle. Le narrateur fou est naturellement le personnage le plus normal, le plus banal. C’est ainsi qu’il se voit. Caligari a au moins deux apparences et deux identités (bateleur, psychiatre). Aux dernières secondes le récit lui en rajoute uen troisième, la plus surprenante de toutes. Cesare a lui aussi plusieurs identités et plusieurs rôles. C’est, à l’intérieur du récit, un assassin et une victime (puisqu’il agit malgré lui). C’est, postérieurement au récit du fou, un malade, et peut-être encore une victime.

Car, bien que la narration soit dominée par le « je » du fou et donc non objective, son contenu impressionne le spectateur jusqu’à devenir à ses yeux, raisonnable. Le dénouement survient si tard et est si bref qu’il ajoute à notre perplexité au lieu de dissiper nos doutes, et cela d’autant plus que les derniers plans du film (ceux qui sont postérieurs au récit du fou) sont encore stylistiquement expressionnistes. Le fou (la folie) a peut-être raison. C’est là l’ultime message d’un film dont l’inquiétude et le doute constituent la substance principale.

Œuvre moderne, surprenante, percutante et quasi inattaquable, Le cabinet du Dr Caligari est une création collective. Il y eut à l’origine un scénario de Carl Meyer et Hans Janowitz basé sur un fait divers et destiné à critiquer, à travers la figure du psychiatre-hyptnotiseur-bateleur-assassin par procuration, les excès de l’autoritarisme dans tous les domaines, administratif (le secrétaire), social politique aussi bien que psychiatriques.

Le producteur Erich Pommer -ou son représentant le réalisateur Rudolf Meinert- confia l’aspect plastique du film aux trois décorateurs Hermann Warm, Walter Reimann, Walter Rohrig. Parmi eux, Warm eut un rôle prépondérant. Celui-ci estimait que l’image cinématographique devait être une sorte d’idéogramme et s’opposait à toute solution de continuité entre le caractère graphique de l’image et celui des intertitres. L’emploi systématique du studio, des toiles peintes, les déformations les plus audacieuses du décor, tous procédés où le producteur trouva, en ce qui le concerne, une source non négligeable d’économie, visent à couper le film du réel immédiat. Le film cesse d’être un miroir de la réalité sensible pour ne plus entretenir avec elle qu’un rapport conceptuel et intellectuel.

La mise en scène du film fut alors proposée à Fritz Lang qui la refusa mais intervint de manière capitale dans son élaboration. Il proposa de justifier l’irréalisme des décors en faisant du narrateur du récit l’un des pensionnaires de l’hôpital de Caligari. Quand Robert Wiene fur chargé de la réalisation, le film possédait ainsi déjà une cohérence parfaite. »

Date :

Jeudi 1er Juin 2023 –
 18h15

Durée :

1h11

Thème :

Cinéma expressionniste allemand

Programme :

Projection

Tarif :

Projection Cinéma / Payant
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