Starting Something (1911 / 8 min)

Projection (1h23) : Hommage à Alice Guy

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“Jusqu’en 1939, les femmes réalisatrices sont dans le monde entier une douzaine. De 1915 à 1925, elles se comptent sur les doigts d’une main. En 1914 elles sont deux. Avant cette date, il n’y en a qu’une : elle est française et s’appelle Alice Guy” écrit Francis Lacassin dans en 1972 dans “Une Contre-histoire du cinéma”. Quand elle décède en 1968 à l’âge de 95 ans dans un étab lissement de santé américain, Alice Guy n’était pas seulement la doyenne des réalisatrices : elle était  la seule qui avait vu naître le cinéma. Alice Guy était une géante.

Et pourtant, en 1935, Léon Gaumont publie un livret de 42 pages intitulé Historique : “Notice rétrospective sur Les Établissements Gaumont 1895-1929”. Il y décrit l’expansion rapide de l’entreprise et ses « applications de la science liée à la photographie », mais il a “oublié” les premières années colorées avec ses hésitations et ses trébuchements qui allaient faire de l’entreprise la « plus ancienne maison de cinématographie » du monde. Le livret ne mentionne pas Alice Guy.

En 1939, Léon Gaumont écrit à Alice Guy pour lui demander d’écrire un récit sur les premières années de l’entreprise qui pourrait être inclus dans une deuxième édition de son livret de 1935. « Nous étions des collaborateurs, écrit-il, dès la première heure”.

Alice Guy possédait un exemplaire du livret édité de Léon Gaumont qu’elle avait couvert de notes manuscrites. Elle avait écrit plusieurs pages remarquablement détaillées qu’elle avait intitulées “À Propos des Débuts de l’Industrie Cinématographique” qui décrivaient les onze premières années de la société Gaumont à partir de 1895.

Quand Alice Guy a écrit cette réponse à Léon Gaumont, elle écrivait à un autre témoin de cette époque pionnière. Elle ne pouvait rien lui dire d’autre que ce qu’il savait déjà. Alice Guy avait fait l’Histoire du Cinéma et elle l’avait couchée par écrit pour l’Histoire. Et pourtant pendant plusieurs décennies, elle en fut tout simplement effacée, elle, la pionnière.

La jeune femme avait assisté le 25 mars 1895 à la présentation du Cinématographe des frères Lumière à la société d’encouragement des industries techniques à Saint-Germain-desy-Prés. Alice Guy entrevoit alors la possibilité d’utiliser les appareils de prise de vue cinématographiques pour imaginer des histoires que l’on raconterait « en cinéma ». Elle deviendra la première réalisatrice de fiction. « Fille d’un éditeur, j’avais beaucoup lu, pas mal retenu. J’avais fait un peu de théâtre amateur, et je pensais qu’on pouvait faire mieux. M’armant de courage, je proposai timidement à Gaumont d’écrire une ou deux saynètes et de les faire jouer par des amis. Si on avait prévu le développement que prendrait l’affaire, je n’aurais jamais obtenu ce consentement. Ma jeunesse, mon inexpérience, mon sexe, tout conspirait contre moi. » écrit-elle dans Autobiographie d’une pionnière du cinéma (1873-1968 ; éditions Denoël-Gonthier, 1976).

On l’autorise à tenter un essai « à condition que ce soit en dehors de ses heures de travail ». Alice Guy, 23 ans, tourne donc à Belleville, sur une terrasse désaffectée : « Un drap peint par un peintre éventailliste (et fantaisiste) du voisinage, un vague décor, des rangs de choux découpés par des menuisiers, des costumes loués ici et là autour de la porte Saint-Martin. Comme artistes : mes camarades, un bébé braillard, une mère inquiète bondissant à chaque instant dans le champ de l’objectif, et mon premier film La Fée aux choux vit le jour. » 

C’est le premier de sa longue filmographie que l’on estime à plus de 700 films. Il rencontre un franc succès auprès du public populaire qui le visionne dans les baraques foraines pour voir la nouvelle invention. La première réalisatrice de fiction du monde est née.

Léon Gaumont lui confie alors la direction d’un service spécialisé dans les vues animées de fiction. Nommée directrice du Service des théâtres de prise de vue, elle est chargée de lire les scénarii, d’embaucher les artistes, les figurants, de superviser les peintres, les décorateurs et les menuisiers, de recruter des assistants, tourne elle-même les premières bobines et choisit ses collaborateurs (Louis Feuillade, Victorin Jasset, Ferdinand Zecca). Jusqu’en 1907, Alice Guy règne sur la production Gaumont. Elle est à la fois réalisatrice, directrice artistique, scénariste et régisseuse. Dans le même temps, elle reste à l’affût de nouvelles découvertes. Elle participe aux premiers essais de ce qui deviendra le cinéma parlant et supervise une centaine de “phonoscènes” avec le Chronophone de Léon Gaumont mis au point par Georges Demenÿ. Elle tourne à cette occasion Alice tourne un phonoscène, premier making-of de l’histoire du cinéma.

Alice Guy puise dans son imagination, dans l’observation de ses contemporains, invente des histoires drôles, dramatiques, des gags, des cascades et des poursuites. Elle expérimente les techniques de tournage et de montage, les ralentissements, les accélérations, la surimpression, les fondus enchaînés, tous ces procédés qui sont aujourd’hui le langage filmique. Elle explore toutes les possibilités du cinématographe pour donner à ses récits du mouvement, du rythme, du spectaculaire et ainsi procurer aux spectateurs des émotions fortes.

En 1907, Alice Guy épouse le caméraman Herbert Blaché et le suit aux États-Unis, où il est chargé de commercialiser le Chronophone de Léon Gaumont. Elle entame alors une carrière de productrice indépendante à New York et fonde en 1910 la Solax Company, société cinématographique qu’elle préside jusqu’en 1913. Elle y dirige entre 40 et 50 films et supervise la production de près de trois cents autres. Elle fait débuter des acteurs américains qui deviendront célèbres. Ses productions plaisent et se vendent. Elle acquiert en 1912 un terrain au bord de l’Hudson, à Fort Lee, pour y construire un studio moderne, avenue Palisades. La Solax va contribuer, au mois de septembre de cette année, à faire de Fort Lee la capitale du cinéma franco-américain. Le nouveau bâtiment, pourvu d’un grand studio vitré sur la face sud des premier et second étages, est équipé d’un laboratoire pouvant tirer seize mille pieds de pellicule positive par jour. Quelques mois plus tôt, le 3 février, la Solax organise au Weber’s Theatre de Broadway avec succès sa première grande soirée en présence du tout-cinéma new-yorkais. Elle met en scène des westerns, des films militaires et d’aventures. En 1920, elle y a déjà réalisé plus de 70 films, dont A Fool and His Money (1912), le premier film joué uniquement par des acteurs afro-américains. 

Jusqu’en août 1917, Alice Guy domine donc le cinéma mondial. Lois Weber ou Buster Keaton trouvent dans ses productions leur vocation. Mais une succession d’événements malheureux aura bientôt raison de son succès. Des investissements hasardeux et des problèmes personnels signent l’arrêt de mort de la Solax en 1920. Le studio est détruit en 1922. Elle rentre alors en France pour progressivement voir son œuvre oubliée ou attribuée à d’autres.

Son effacement de l’histoire du cinéma, elle l’explique par le fait de d’avoir été une femme dans un monde d’hommes  : les frères Lumière, Georges Méliès ou son scénariste Louis Feuillade ont connu une postérité plus grande. En 1954, Louis Gaumont, fils de Léon, lui rend un premier hommage officiel. Et Alice Guy recevra certes la Légion d’honneur en 1955 aura le droit à sa rétrospective à la Cinémathèque en 1956 par Henri Langlois… mais elle s’éteint dans l’indifférence en 1968, recherchant des bobines de ses films (elle n’en retrouvera que trois de son vivant).

Alors que les institutions françaises ne voient pas la pertinence de s’intéresser à son œuvre, une série d’hommages outre-Atlantique lui est pourtant rendue depuis : le Whitney Museum of American Art de New-York lui a consacré une rétrospective et en 2011, la très prestigieuse DGA (Directors Guild of America), fait entrer la réalisatrice au sein de l’institution et lui décerne un prix, à titre posthume. Au cours d’une cérémonie, Martin Scorcese lui remet  le prix « Lifetime Achievement Award » qui honore l’ensemble de sa carrière. « C’était une réalisatrice d’une grande sensibilité avec un regard incroyablement poétique. (…) Elle a écrit, dirigé et produit plus de 1000 films. Et pourtant elle a été oubliée par l’industrie qu’elle a contribué à créer », a-t-il souligné. 

Aux Etats-Unis l’absence de mobilisation de la part des pouvoirs publics français étonne : « Il est incompréhensible que les Français ne fassent rien pour faire connaître sa vie et sa carrière incroyable. Aux Etats-Unis nous faisons tout pour nous l’approprier et pour la réhabiliter, alors même qu’elle n’avait pas la nationalité américaine », s’indigne Alison Mc Mahan, une biographe américaine d’Alice Guy. Heureusement, le mouvement #metoo initiée par les actrices américaines a changé la donne depuis et le Festival Sond of Silent rend aujourd’hui hommage à l’immense Alice Guy.

Date :

Mardi 30 Mai 2023 –
 09h15

Durée :

1h23

Thème :

Hommage à Alice Guy

Programme :

Projection

Tarif :

Projection Cinéma / Payant
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